Il y’a neuf siècles, le village de Savigny était loin de ressembler à ce qu’il est aujourd’hui. A la place des maisons présentes aujourd’hui au centre s’élevait une abbaye avec son cloître et son église. Une époque qui semble fort lointaine aux habitants actuels…
Une architecture dont il ne reste rien
Pour se replonger ces temps anciens, l’association « Patrimoine d’hier et aujourd’hui » propose les premiers samedis de chaque mois, de faire un tour du village, en commençant par la tour d’entrée. Celle-ci avait autrefois une jumelle face à elle et était le seul accès à l’abbaye qui était entouré de remparts. Du haut de cette tour, on se fait une idée plus précise de ce que pouvait être le village autrefois. L’église Saint Martin, longue de 49 mètres, était au cœur de l’abbaye et servait de lieu de prière à la centaine de moines bénédictins qui vivaient là quotidiennement. Elle était probablement bien plus vaste que celle qui a sert actuellement, construite au XIX° siècle. Il ne reste presque rien aujourd’hui de cette église. La plus grande partie fait office de jardin et une petite route traverse la nef. Aux côtés de cette église, un petit cloître servait de cour intérieure à l’abbaye. Il est lui aussi transformé en jardin, même si on peut encore admirer quelques unes de ses colonnes au musée. Une partie cependant est restée intacte. Il s’agit du lavabo aux moines qui ressemble davantage maintenant à une boutasse. Seul point d’eau de l’abbaye, elle était probablement le lui où ceux-ci faisaient leur toilette avant de se rendre à leurs activités quotidiennes. Les parties qui restent les mieux conservées sont celles qui sont habitées à l’heure actuelle, à savoir ce qui était anciennement l’auberge et la maison dite du « doyen de Taylan ». La petite tour d’accès à la première est en train d’être rénovée. La seconde est actuellement occupée par une particulière, Frédérique Hatt, qui a monté un atelier de cadrature et accueille depuis peu un jeune artisan joaillier. Elle aimerait d’ailleurs impulser une dynamique avec des artisans dans cet endroit qui, selon elle, s’y prête particulièrement.
Le prestige de l’abbaye jalousé
Au-delà des murs de l’abbaye s’étendait les domaines du sire de Beaujeu au Nord, du comte de Forez à l’Ouest et de l’archevêque de Lyon au Sud. Ces trois puissances, qui se faisaient couramment la guerre pour des querelles de possessions voyaient d’un mauvais œil l’émergence d’une nouvelle puissance indépendante. Si l’abbaye n’intéressait personne au temps de sa création, vers l’an 800, elle commençait à inquiéter à mesure que son influence grandissait. Au XII° siècle, période de son apogée, celle-ci jouissait de possessions dans les environs tels que le château de Sain Bel mais aussi à l’extérieur, comme à Lozanne en Suisse, à Genève, à Saintes et à Die. C’est ainsi qu’elle s’est attiré la méfiance puis les foudres des puissants de l’époque qui l’ont alors combattu tour à tour. Cela n’a pas terni l’éclat de l’abbaye qui a servi jusqu’en 1779, juste avant la révolution, où les moines ont demandé sa sécularisation.
Préserver le patrimoine
A partir de sa sécularisation, l’abbaye a surtout servi de carrière pour construire les villages des alentours. Mais il restait en encore des vestiges au début du siècle. Les anciens racontent même que certaines colonnes aujourd’hui conservées étaient alors debout. Le problème est qu’il existait à cette époque un véritable marché autour de ces pièces anciennes. Ce qui explique que certaines colonnes de Savigny se retrouvent aujourd’hui au musée des cloîtres à New York ! Cependant, on a vite pris conscience de cette richesse et les premières constructions de route ou de maisons dans les années 60 ont été accompagnées de fouilles qui ont permis de mettre au jour certains éléments du patrimoine. Dans les années 70, une association s’est créée, « les amis du musée », afin de préserver ce patrimoine et d’en faire vivre la mémoire. Ce noyau d’une dizaine de bénévoles existe encore aujourd’hui même s’il a changé de nom cette année (ils s’appèlent dorénavant « Patrimoine d’hier et aujourd’hui »). Et ces derniers entendent bien perpétuer la mémoire de ces mille ans d’histoire.
Martin Forrat