On sentait depuis 19 heures 30 qu’il allait se passer quelque chose d’important à Savigny puisque l’association « Un Orgue à Savigny » avait proposé de se brancher sur la Russie et l’Ukraine…mais ce fut bien au-delà de ce qu’on pouvait imaginer et, s’il était parfois un peu difficile de trouver la place qu’on avait réservée, tout le monde réussit à s’asseoir et le concert pouvait démarrer à l’heure prévue.
La première partie réservée à Frédéric Lamantia, à l’orgue, et à son batteur, Michel Visse « coincé » dans la tribune, nous permit de découvrir d’abord tout ce qu’un orgue, qu’on considère à tort comme un instrument au service de la seule musique religieuse, peut exprimer lorsqu’il se met à aborder le répertoire de la variété ou des musiques de films célèbres…
L’artiste a réussi l’exploit, grâce aux images de Savidéo, diffusées sur trois écrans, à montrer comment on sculpte une pièce musicale en modulant les régistrations et en changeant les couleurs des sons …Ce fut un vrai régal et le rythme des percussions ne pouvaient qu’accentuer ce dépaysement musical. Plusieurs spectateurs faisaient remarquer, à la fin du concert, qu’ils avaient « découvert » tout ce qu’un orgue peut apporter à la culture musicale d’un pays.
Puis ce fut l’arrivée des Cosaques de Kouban avec leurs instruments traditionnels dont cette fameuse balalaïka aux sons si raffinés. D’emblée le public fut enthousiasmé.
Des voix incroyables, notamment ce ténor à la corpulence d’un Sumo japonais, qui était capable de placer sa voix à un niveau jamais entendu… mais AndreÏ, le chef du groupe, qui fit ses classes dans les chœurs de l’Armée rouge, lui donna la réplique avec un registre vocal de basse profond très typique des chanteurs des pays de l’Est.
Tout y était : les qualités vocales bien sûr, la richesse de l’accompagnement instrumental mais surtout cette capacité à donner de l’émotion par l’alternance des mélodies douces et sensibles et les clameurs tonitruantes exprimant la force ou la révolte. Le public ne s’y est pas trompé et à chaque chant les applaudissements en réclamaient encore davantage…et les cosaques se laissaient faire…sans oublier d’inviter la foule à chanter avec eux les airs les plus connus : « le Temps du muguet » ou « Kalinka », ce qu’elle fit très volontiers et avec talent !
Après une heure et demie de chant, et un soutien enthousiaste des spectateurs comblés, il fallait avoir pitié de ces chanteurs qui avaient mis plus de 7 heures pour relier Paris à Savigny un vendredi soir… mais le vin réjouissant le cœur, comme le dit l’adage latin, ceux qui purent rester, tard dans la nuit dans la crypte de l’église, se souviendront longtemps de ces « prolongations », accompagnées par un orgue électronique stocké sur place, que Frédéric Lamantia fit chanter…et les hymnes ukrainiens envahirent la nuit Savignoise …
On était loin des berceuses des mamouchkas sibériennes. Heureusement que les murs ont réussi à garder de façon confidentielle, pour quelques organisateurs privilégiés, ces modulations patriotiques d’une rare qualité musicale …sans réveiller tout le village !